Définition

Il existe du sceau différentes définitions. On peut le considérer sous l'angle matériel il s'agit alors :

« d'une empreinte sur une matière plastique, généralement la cire, d'images ou de caractères gravés sur un corps dur (métal ou pierre) plus spécialement désigné sous le nom de matrice, et généralement employée comme signe personnel d'autorité et de propriété ». (A. Coulon, Eléments de sigillographie..., Paris, 1932). 

Ou bien encore selon le Vocabulaire international de la sigillographie :

Au sens général du terme le sceau est une empreinte obtenue sur un support par l'apposition d'une matrice présentant des signes propres à une autorité ou à une personne physique ou morale en vue de témoigner de la volonté d'intervention du sigillant (Comité international des Archives, Rome, 1990).

 Il s'agit aussi dans une optique d'histoire culturelle :

de l'imago du sigillant, c'est à dire son image personnelle, celle à qui il transmet son auctoritas, celle qui juridiquement le représente et le prolonge, l'emblématise et le symbolise, elle est à la fois lui-même et le double de lui-même. (M. Pastoureau, Les sceaux, Turnout, 1981).

Usages du sceau

Apparu en Mésopotamie au VIIe millénaire, le sceau précède de peu l'écriture. Utilisé selon des usages d'une étonnante permanence, en Egypte dès le IVe millénaire, en Crète et à Mycènes dès l'âge du bronze, sans parler des civilisations extra-européennes, le sceau passe à Rome puis est repris dès le haut Moyen Âge par les souverains mérovingiens. Ceux-ci, à l'imitation des empereurs du Bas-Empire, utilisent des anneaux sigillaires mais dans un premier temps ne s'en servent pas pour valider les actes émanant de leur chancellerie, établis sur papyrus.

Au milieu du VIIe siècle, après la rupture du commerce méditerranéen, le parchemin est introduit et se généralise pour devenir le support presque unique de l'écrit. Ce fait est contemporain des débuts de l'usage du sceau plaqué, consistant à plaquer la galette de cire sur le document, dont l'apposition deviendra systématique sur les actes royaux. À partir de cette époque le scellage devient un droit régalien tandis que la falsification du sceau royal est considérée comme un crime de lèse-majesté. Les souverains carolingiens poursuivent la pratique du scellage des actes. Dans un premier temps ils enchâssent des gemmes antiques dans leurs sceaux, puis, dans le courant du IXe siècle, ils se font graver des matrices à leur effigie mais à l'imitation des pierres antiques.

Sans discontinuité, les souverains capétiens reprennent à leur compte les pratiques sigillaires de leurs prédécesseurs.

Dans le courant du Xe siècle, le monopole impérial puis royal du scellage commence à être mis en cause par les chancelleries épiscopales de Lotharingie et de Germanie. Il faudra cependant plus d'un siècle pour que cet usage se diffuse aux évêchés du Midi. L'exemple des évêchés sera suivi par les grandes abbayes du Nord et de l'Est à la fin du XIe siècle, puis au début du XIIe siècle par certains monastères du Midi.

L'adoption d'un sceau par les princes est exceptionnelle avant 1100. De la même manière que pour les clercs, la diffusion se fait du Nord vers le Sud. A partir des années 1130 l'usage se répand dans la classe seigneuriale ; les sceaux de femmes apparaissent dans la haute aristocratie dans le courant du XIIe siècle.

La période 1170-1180 est marquée par l'émergence du sceau urbain. A l'imitation des cités italiennes, les villes d'Arras, d'Arles, de Cambrai, d'Avignon se dotent d'un sceau, instrument traduisant leur capacité juridique et leur puissance politique.

Au cours du XIIIe siècle, le sceau se propage à l'ensemble de la société médiévale. Aux côtés des archidiacres ou des chapitres cathédraux, les doyens de chrétienté et les curés prennent l'habitude de sceller eux-mêmes leurs actes. Progressivement, tous les chevaliers, les bourgeois, les marchands, les artisans, les corporations, les universités et même certains paysans acquièrent un sceau. L'innovation principale du XIIIe siècle est la généralisation du sceau de juridiction apparu à la fin du XIIe siècle et utilisé par une autorité ecclésiastique ou laïque dans ses attributions judiciaires.

A partir du milieu du XVe siècle, les progrès du notariat, la diffusion de la signature autographe, la généralisation du papier entraînent une baisse progressive du scellage qui disparaît presque totalement pour les personnes physiques dans le courant du XVIe siècle. Pour les personnes morales en revanche, il demeure tant qu'il est assorti du paiement de droits, mais aussi dans le cadre du décorum étatique. La perte de la valeur juridique du sceau ne met cependant pas fin à une pratique qui perdure pour les individus avec les cachets jusqu'au milieu du XXe siècle. Il s'agit là d'un usage fonctionnel lié dans un premier temps à la nécessité de clore les lettres, puis à un formalisme mondain. Les cachets modernes sont porteurs dans leur immense majorité d'armoiries non plus personnelles mais familiales, mais aussi de monogrammes ou bien encore de devises.

Source : Archives nationales, Fiche de recherche n° 51.

 

De l'intérêt d'étudier les sceaux

 Les sceaux forment un objet d'étude idéal pour la connaissance du Moyen Âge parce qu'ils cristallisent sur leur petite surface des aspirations politiques et sociales, des modes de représentation, des usages diplomatiques et juridiques mais aussi des pratiques anthropologiques. Dès son origine la sigillographie en tant que discipline historique s'est donnée pour objectif de préserver une source en péril par le biais de la constitution de collections de moulages et ceci dans l'objectif d'établir une archéologie des pratiques. Parce qu'ils  possèdent l'immense avantage d'être précisément datés par l'acte auquel ils sont appendus, les sceaux permettent d'établir des corpus de comparaison pour l'histoire du costume, de l'armement, de l'architecture ou bien encore de l'héraldique. Cette exploitation documentaire qui a suscité des travaux importants et toujours utiles, comme l'Histoire du Costume (Demay, 1883), doit désormais prendre en compte le caractère particulier qu'entretiennent les hommes du Moyen Âge avec le rendu de la réalité.

Le socle que constitue le support de substitution qu'est le moulage a continué de s'élargir par la poursuite des travaux d'édition au travers de la publication des Corpus des sceaux du Moyen Âge (Bedos, 1980, Dalas, 1991, Nielen, 2011) mais également celle de catalogages notamment autour des matrices (Vilain, Blanc-Riehl). A cet égard l'outil numérique offre un moyen de description et de diffusion essentiel à la connaissance comme en témoigne entre autres le projet SIGILLA. 

Alors que dans le cadre des sciences de la preuve, depuis la fin du XVIIe siècle, les historiens ont su exploiter les sceaux pour leur valeur diplomatique et cette veine historiographique se poursuit jusqu'à nous (R.-H Bautier, J.-L. Chassel, A. Baudin), le renouveau épistémologique que connaît la sigillographie depuis les années 1970 a permis d'ouvrir le corpus à des problématiques liées à l'histoire des représentations et aux usages sociaux des images. Ainsi M. Pastoureau, suivi de L. Hablot pour ne citer qu’eux, ont su tirer parti de la source sigillaire pour éclairer l'emblématique médiévale tandis que les travaux de B. Bedos-Rezak cernent le sceau en tant qu'outil d'identification sociale notamment à travers la problématique de l'individu.

À la suite des travaux de J. Gardner (1975) et d'E. Cioni (1981), les sceaux ont été intégrés aux préoccupations des historiens de l'art (M. Gil, M. Späth, C. Blanc-Riehl), en témoigne le colloque tenu à Lille en 2008, Pourquoi les sceaux ? (IRHIS, 2011) évènement qui marque à cet égard un premier bilan et l'amorce de travaux universitaires toujours d'actualité. En 2011, la première thèse en Histoire de l'art consacrée aux sceaux a été soutenue à l'Université de Lille (A. Vilain). Les sceaux sont également entrés tout récemment à l'Institut national d'Histoire de l'art lors de la journée d'études "Matrices de sceaux : un nouveau corpus pour des recherches pluridisciplinaires" (oct. 2014). 

Les sceaux ne doivent pas être considérés seulement pour les images qu'ils présentent ce sont aussi des objets matériels avec leur densité leur matière, leur forme et le lien qu'ils entretiennent avec le document auquel ils sont liés. On ne peut plus désormais étudier les productions du passé et particulièrement les oeuvres sans s'interroger sur les conditions de leur création que ce soit sous l’angle technique des matières et de leur mise en forme que sous celui de l'économie de leur production. Cette approche novatrice requiert les compétences croisées des humanités et des sciences dures sans parler de l'apport du monde de la restauration-conservation.